7# La Maison de Partage : accueillir avant tout
Accueillir
Lorsque quelqu’un me demande de lui citer un lieu marquant qui se distingue des autres, je lui parle de la Maison de Partage. A quelques kilomètres de la frontière belge et à l’Ouest du Luxembourg se trouve un lieu qui n’est pas un collectif comme les autres. Crée dans les années 70’ par Sœur Andrée, une religieuse chrétienne, la maison a toujours pour vocation principale l’accueil de toutes celles et ceux qui en ont besoin, quel qu’en soit la raison. Depuis ses origines, cette ‘’maison ouverte’’ pratique l’hébergement inconditionnel pour quinze jours dans quatre chambres situées à l’étage dans le prolongement des espaces communs.
Ainsi, lorsque vous vous détendez sous la tonnelle qui orne le très agréable jardin, vous côtoyez des personnes qui ont été rudoyées par la vie. Alcool, drogue, violence, inceste et agressions sexuelles, ces personnes ont souvent vécu les pires choses que l’on peut traverser dans une vie humaine. Et pourtant, ils sont là, debout, en paix avec la vie et tous ces maux semblent définitivement appartenir au passé. Le lieu leur fait du bien. Ils sont arrivés ici pour la première fois il y a bien longtemps dans une situation de grande détresse et ils ont été accueillis, aidés, écoutés. Ils ont trouvé la sécurité élémentaire, celle qui permet de penser à autre chose qu’à sa survie. Ils ont ainsi pu se reconstruire, remettre de l’ordre dans leur vie, entrevoir un avenir serein, se demander à quoi ressemblerait une vie qui leur correspondrait vraiment. Ainsi, j’ai pu rencontrer Franck [1], un jeune homme de 27 ans qui m’a confié s’être mis dans le corps tous les poisons qui existaient et être encore en situation de fragilité vis-à-vis de l’alcool. Un après-midi, nous sommes allés à la ville la plus proche par les chemins de campagne pour boire un verre et acheter quelques friandises. Il pouvait paraître cocasse de voir à la terrasse d’un bar les deux gaillards que nous étions siroter un cola et un Perrier™-menthe… Peu avant mon départ, il s’est rasé la tête et est parti sac au dos sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle. J’ai aussi rencontré Christelle [1] qui après une longue période d’alcoolisme a vu en songe un ange lui intimait l’ordre d’arrêter de boire, ce qu’elle a fait sur le champ !
Pendant mon séjour à la Maison de Partage, il n’y a pas de personne récemment arrivée et en situation de grande détresse mais des femmes et des hommes qui ont été aidées par le passé et qui aiment revenir régulièrement pour se ressourcer. Et tout ce monde échange harmonieusement. Personne, y compris moi, ne se sent jugé par les autres. Personne n’essayait de mesurer la vie de l’autre pour voir si elle se conforme ou non à une norme. Chacun sait que d’une façon ou d’une autre, l’esprit du lieu rassemble ici des parcours de vie en dehors de tous standards.
Rencontres et bricolage
De plus, c’est un endroit très agréable. Le bâtiment principal comprend un gîte que des groupes peuvent réserver. Juste à côté, les parties communes (cuisine, salon, douche et sanitaires) avec les 4 chambres en hébergement inconditionnelles sont situées à l’étage. Au rez-de-chaussée se trouvent les pièces fonctionnelles (d’autres douches, le cellier, la buanderie). Et dans le prolongement, une grande salle multi-usage accueille stages, cours, présentations… A l’extérieur, de part et d’autre de la tonnelle, un jardin potager s’étale. Au fond se trouve le poulailler. Moyra, une wwoofeuse saisonnière s’est éprise de ses habitantes. Les inondations qui ont frappé la Belgique en ce doux mois de juillet 2021 ont aussi sévi à Avioth, le village se trouvant dans une véritable cuvette. La jeune femme s’évertue à garantir le confort des poules malgré l’eau abondante. Je lui prête main forte à ce jeu en pataugeant pieds nus, les bottes étant tout à fait inutiles, dans 50cm d’eau totalement boueuse. Nous mettons en place des passerelles pour que les volailles gardent un accès aux espaces secs. Avec Moyra, nous partageons un après-midi pour débuter la construction d’un grand composteur en palettes à côté du poulailler pour y stocker le fumier des poules. A la fin de cette session, elle salue notre efficacité et notre façon de travailler « avec peu de mots ». Le lendemain, je termine la construction avec Jérôme qui, lui aussi, reconnaît notre efficience. Il m’apprend à utiliser une équerre de menuisier. Cet épisode a grandement alimenté mes réflexions sur le travail en binôme. Au moment de nous quitter, Jérôme me confiera « ça m’inspire ce que tu fais ! », un des plus beaux compliment que l’on m’ait fait !
De l’autre côté de la bâtisse pousse une petite forêt nourricière. Des framboisiers, des cassissiers et une serre abritant des tomates et des choux raves permettent à tout un chacun de venir se ressourcer au contact de la nature. Avec Justine, une autre wwoofeuse, nous réalisons, en plus des cueillettes, de petits travaux comme recouvrir d’une bâche des cuves à eau ou confectionner de petites barrières pour entourer les massifs sous la direction d’Alex, à la fois wwoofeur et jardinier en chef.
L’organisation
Le lieu est structuré par une association qui compte 17 poteaux, des personnes sur lesquelles reposent l’organisation et les décisions qui concernent le projet. Parmi ces 17 personnes, beaucoup d’entre elles ne viennent que quelques fois par an. Seule une poignée d’entre elles est présente quasi quotidiennement et fait vraiment vivre le lieu. Il y a Pilar et son compagnon Pierre qui habitent dans le village, et Christian qui habite dans une des petites bâtisses présentes sur le terrain et dont il poursuit la rénovation. Certains ne sont pas des poteaux mais ils sont si investis dans les activités que leur présence semble indispensable. C’est le cas de Didier, le bricoleur, réparateur, débroussailleur. De nombreuses autres personnes sont présentent le midi pour le repas en commun préparé le matin par une ou deux personnes volontaires. Entre les poteaux, les wwoofeurs et wwoofeuses, les anciens ‘’aidés’’ et les personnes de passage, nous sommes une dizaine autour de la table à chaque repas mais ce ne sont jamais les mêmes personnes. C’est pourquoi, tout comme Ecocircus (2#), ce lieu entre dans la catégorie des ‘’communautés éphémères’’.
Les journées sont agréables et les activités variées. Comme je n’ai pas de réponse de ma prochaine étape, je prolonge quelque peu mon séjour. On me parle de la ferme du Hayon (8#), située à quelques km côté Belgique. Elle comprend un collectif de quelques habitants et les habitués d’Avioth connaissent bien ce lieu. Un petit festival musical nous donne l’occasion de nous y rendre avec une poignée de personnes. L’ambiance est très bonne même si pour moi, ma présence a un parfum d’entretien d’embauche puisque j’envisage d’ajouter ce lieu comme étape supplémentaire en attendant la prochaine réponse. Le courant passe bien avec les habitants et habitantes et mon futur séjour est validé.
Activités réalisées :
- Fabrication d’un composteur et de son couvercle pour les déjections des poules
- Confection de barrières pour retenir les plantes des massifs
- Déplacement d’un tas de mauvaises herbes
- Ratissage d’un fossé suite à son débroussaillage
- Rangement intégral de l’atelier
- Déplacement du contenu d’un composteur
- Rangement d’un garage à vélo
- Installation d’une barrière anti-inondation
- Surélévation d’un petit pont
- Présentation de la méthode SANE
- Réalisation de petites réparations dans les chambres
- Couverture de cuves à eau à l’aide de bâches
- Préparation de pots de terre et semis
- Mise en place de tuteurs sur des pieds de tomates
[1] Les prénoms ont été changés pour préserver l’anonymat