18# La communauté de Taizé : œcuménisme et accueil
Au commencement…
Après cette immersion dans le monde bouddhiste, me voici à présent immergé dans un univers chrétien. Toujours en Saône-et-Loire, le village de Taizé est situé sur une petite colline d’où on aperçoit d’autres collines plus ou moins hautes. C’est en 1940 que le frère Roger lance une nouvelle communauté dans ce lieu. Deux piliers sont au cœur de sa démarche : faire vivre l’idéal chrétien dans un esprit rassembleur et accueillir toutes celles et ceux qui le souhaitent. Ces deux principes fondateurs sont encore bien vivants aujourd’hui. A ses débuts, la communauté ne compte que quelques frères mais le projet a bien grandi depuis. A Taizé, ils sont une quarantaine manifestement venue de tous les continents. Au total, c’est une centaine de frères et de sœurs comme celles de Grandchamp (14#) qui fait vivre l’esprit de Taizé, en France et à travers le monde.
L’accueil
Ici, plusieurs milliers de personnes sont accueillies toute l’année, principalement des jeunes entre 15 et 35 ans. Nombre d’entre eux sont bénévoles et participent aux tâches que nécessitent une telle activité. D’aucuns disent que le site de Taizé peut accueillir jusqu’à 15000 personnes au cœur de l’été majoritairement en camping ou dans les quelques centaines d’hébergement en dur, principalement des chambre-dortoirs de 6 lits. Mais d’après les témoignages que j’ai reçus, il n’est pas recommandé de venir pendant ces périodes car une grosse partie de la journée est perdue à faire la queue, pour les repas, pour aller aux toilettes, pour entrer dans l’église, pour sortie de l’église… De plus, si vous avez eu l’occasion de sympathiser avec quelqu’un au cours d’un repas par exemple, il est presque impossible de retrouver la personne par la suite à moins de s’être fixer un rendez-vous très précis. Par chance, lors de mon séjour, les estimations situent l’effectif de visiteurs à deux, peut-être trois milliers de personnes.
Un cœur qui bat
Les journées sont rythmées par trois prières communes dans l’église de la Réconciliation, une immense église moderne. Ce sont des temps de communion fort où de très beaux chants alternent avec des lectures de la Bible. Le soir, la prière se prolonge en soirée de prière, de méditation ou d’échanges individuels avec certains frères. La matinée est consacrée à un temps de partage biblique qui comment par une lecture d’un texte. Des pistes d’explication sont ensuite données par un frère. Puis, sur la base de quelques questions suscitées par le texte, les personnes présentent sont invitées à se mettre en petits groupes, à s’interroger et à échanger sur leur intériorité, sur leur vie et sur leur rapport avec Dieu et avec les autres. L’après-midi, on peut participer à des groupes de réfection ou prêter main forte à l’équipe de bénévole pour la gestion du site. Dans ce cadre, j’ai eu l’occasion de vider les poubelles ou encore, de nettoyer la bâche d’un chapiteau. Quelle que soit la tâche, la joie est très présente.
Pour gagner du temps, les repas sont servis « à la chaîne ». Dans un espace couvert, les bénévoles, alignés selon deux files, nous mettent directement entre les mains les différents éléments. Temps passé au self : 10 secondes ! Puis, nous nous éparpillons sur les différents espaces conviviaux, couverts ou non, pour manger. Bien sûr, étant donné le nombre vertigineux de repas à servir, il est compréhensible de trouver des produits très simples et très standards. Mais je ne peux m’empêcher de remarquer que peu d’attention est apporté à la question des déchets, à l’image des plaquettes de beurres individuelles de 30g… Lorsqu’un produit de ce type est distribué à plusieurs milliers de personnes tous les jours, les quantités de déchets sont conséquentes. En fin de repas, la vaisselle est prise en charge par les bénévoles.
Des rencontres
Lors de mon séjour, les personnes présentent sont très majoritairement allemandes probablement en raison des vacances scolaires. Je parviens tout de même à trouver un petit groupe de francophones avec qui la communication est facilitée. Il y a Samuel, de Suisse, qui vient de finir ses études de théologie ; Clara qui, le bac en poche, a décidé de faire une pause avant de commencer ses études et voyage au gré des opportunités et aussi Mathis, qui se cherche… Je sympathise aussi avec Judith, allemande et mère de 4 jeunes enfants. Nous échangeons des discussions plus profondes qu’avec les autres. Après le déjeuner et en fin de journée, le « bar » nommé Oyak offre un espace convivial très agréable où il nous plaît de tous nous retrouver. Le samedi, notre petit groupe s’est offert une excursion à Cluny, la ville la plus proche, que nous découvrons avec plaisir.
Une fois de plus, je ressens cette liberté et ce respect lors de nos échanges, cette vraie fraternité bienveillante qui libère et permet à chacun d’être soi-même. Même si les prières communes étaient empreintes de recueillement et de communion à travers les chants, quelques-uns d’entre nous étaient d’accord pour dire qu’au final, l’Esprit de Jésus était plus présent lors de ces échanges que dans l’église…
Un soir, je remarque près de l’entrée du site deux vélos équipés pour la randonnée. Voyageant moi-même de cette façon, ce détail ne peut passer inaperçu ! Le temps d’un dîner et d’un petit déjeuner, j’aurai l’occasion de faire la connaissance d’Agathe et de Madeline, deux sœurs fort sympathiques qui font halte à Taizé pendant leur voyage à vélo. Pouvoir échanger avec des personnes qui partagent le même mode de vie que moi et qui en connaissent les joies et les peines me fait chaud au cœur.
Une distance
Etant donné le nombre colossal de visiteurs et visiteuses qui foulent le sol de Taizé chaque année, les frères sont obligés de garder une certaine distance par rapport à cette foule sans arrêt renouvelée. Pendant les prières communes, un espace leur est réservé au centre de l’église. Pendant les soirées, lorsque certains d’entre eux se rendent disponibles dans l’église, c’est avant tout pour que les personnes accueillies puissent se confier sur des questionnements spirituels en rapport avec leur cheminement personnel ou pour recevoir le sacrement de réconciliation mais ce n’est en aucun cas pour bavarder. Dans la journée, les frères sont presque invisibles. Il est donc difficile de les rencontrer véritablement pour connaitre leur vie de l’intérieur. L’un d’entre entre eux a néanmoins accepté de se prêter au jeu de l’interview. Mais aux vues de la brièveté de ses réponses et de son langage corporel, j’ai le sentiment qu’il a accepté parce que cela lui était demandé et non dans un réel désir de partage.
Je suis tout à fait à même de comprendre cette attitude car plus tard dans mon voyage, je ressentirai cet épuisement émotionnel, cette fatigue sociale, conséquence de (trop) nombreuses rencontres éphémères qui à chaque fois apportent quelque chose mais demandent aussi un ‘investissement émotionnel’ auquel on est de moins en moins disposé à consentir. A l’inverse, les haltes que j’ai faites chez mes amis et chez plusieurs oncles, tantes, parents, frères, sœurs m’ont permis de me recharger. Ces personnes que je connais et qui me connaissent de longue date, avec lesquelles il existe une vraie affection réciproque et que je sais que je reverrai m’ont apporté un vrai soutient moral.
Ma prochaine étape est un GAEC [1], la ferme de Saint-Laurent (19#), sur une autre colline non loin de Taizé, de l’autre côté de Cluny. Seuls 14 km m’en séparent alors je prends mon temps pour partir en fin de matinée et pour déjeuner en ville.
[1] GAEC : Groupement Agricole d’Exploitation en Commun
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