15# Goshen, la ferme de la Chaux : lieu d’accueil chrétien
« Finis ton Pont, je vais te mettre de l’absinthe ! »
Passé la frontière Suisse, la route n’a fait que descendre. Les jours qui ont suivi et qui me séparait de ma 15ème étape ont été riches d’aventures et de rencontres. La première a eu lieu dans le département du Doubs où un couple de retraités m’a très gentiment accueilli pour la nuit. Claude a absolument voulu me faire goûter les alcools locaux. Le premier était le « Pont », l’alcool anisé originaire de Pontarlier, immédiatement suivi par l’Absinthe, elle aussi locale puisque sa production s’étend sur une zone à cheval sur la frontière Suisse. J’ai d’ailleurs pu emprunter la « route de l’absinthe » lorsque j’étais en Suisse. Comme si ce n’était pas suffisant, du vin blanc puis du vin rouge sont venu compléter la dégustation malgré les tentatives de Marie-Agnès de modérer l’enthousiasme de son mari.
Le brame du cerf
La deuxième halte pour la nuit a eu lieu au cœur de la forêt de Chaux, une des plus grandes forêts d’Europe puisqu’elle compte 22000 ha. Cette fois, c’est un couple avec deux enfants qui m’a accueilli pour la nuit. Dans cet exercice qui consiste à demander l’hospitalité, je n’ai jamais rencontré un tel enthousiasme à m’accueillir ! Dans ce troisième foyer où je requérais l’hospitalité, Stéphanie a reçu ma demande avec un visage très ouvert et souriant accompagné de hochements de tête pendant tout mon discourt et terminé par un grand « Ah il y a pas de problème ! »
Il est toujours délicat qu’une personne accepte trop vite de m’accueillir sans avoir au préalable consulté son conjoint car il n’est pas sûr que celui-ci accepte lui aussi de me recevoir. Mais avec le recul, je me dis que si les deux personnes se connaissent bien, si elles ont déjà accueilli des voyageurs et si cette ouverture fait partie de leurs valeurs communes, il n’est pas incongru que l’une parle pour l’autre. D’autant que, dans la pratique, il n’est jamais arrivé qu’une personne refuse de m’héberger après que l’autre ait accepté.
L’ambiance est bonne dans ce foyer. La jeune fille qui doit avoir 10 ans est très curieuse de mon voyage. Elle me tient compagnie pendant que je déballe mon matériel et me pose beaucoup de questions. Son frère ainé d’environ 14 ans reste plus discret. Je dors dans une grande cabane aménagée derrière le potager, un endroit très agréable qui appelle à la méditation. Comme le village de la Vieille-Loye est saillant à l’intérieur de la forêt de Chaux, le bout du jardin en est tout proche. Mes hôtes me préviennent que je devrais entendre le brame du cerf car c’est la pleine saison et la proximité avec cette immense forêt est très propice à ce spectacle auditif. Surement en raison de la fatigue, je ne me rappelle pas l’avoir beaucoup entendu contrairement à ce que Stéphanie et Joël m’en ont dit le lendemain matin.
Les baraques du XIVème
Comme mes hôtes doivent partir tôt le lendemain pour le Sud, je reprends mon vélo vers 9h30 ce qui me laisse le temps d’aller visiter le site historique des « baraques du XIVème ». Il s’agit de maisons construites en pleine forêt par des bucherons durant l’ère préindustrielle pour pouvoir y loger durant la saison où ils prélevaient le bois nécessaire à toutes les constructions. Comme le transport était délicat à cette époque, les futures poutres étaient pré-transformées sur place pour éviter de transporter du poids inutile. C’est aussi pour cette raison qu’on y trouve d’anciens four qui servaient à la production du charbon de bois. Il est fort instructif de découvrir ces constructions, ces métiers oubliés et ces techniques anciennes.
1er bivouac forcé
Le soir suivant, je suis arrivé aux abords de Dijon et malgré les nombreuses demandes, je ne suis pas parvenu à trouver d’hôte pour la nuit. Devant cette situation, je me disais en moi-même : « Je dis à toutes les personnes que je rencontre que j’ai tout ce qu’il faut pour être autonome en cas de besoin… alors si je choisi la facilité (comme une auberge) à chaque fois que je ne trouve personne pour m’accueillir, cela n’a plus de sens. » La nuit tombante, j’ai donc installé mon bivouac devant… un cimetière ! En effet, l’endroit était parfait : l’autre côté de la rue était presque vide en dehors de quelques petits ateliers ; entre la rue et l’entrée du cimetière s’étalait deux grands carrés de pelouse où quelques massifs de fleur me permettaient d’être encore plus discret ; l’éclairage public m’offrait juste assez de lumière et comme dans tous les cimetières ; j’avais un point d’eau à proximité ce qui est appréciable quand on bivouac. Seulement il fallait que je mange ! Je me suis réjoui de trouver une vieille boîte de sardine qui commençait à rouiller au fond de ma sacoche de cuisine. Ma ration de riz de secours est venue compléter le repas.
Au matin, une fois tout mon matériel remballé, j’étais heureux de constater qu’il n’y avait rien à mon arrivée, qu’avec un peu de matériel j’avais pu dîner et dormir avec un niveau de confort tout à fait acceptable et que le lendemain, j’étais reparti sans rien laisser derrière moi (si ce n’est un carré d’herbe aplatie et un peu d’urine au pied d’un arbre). Avec un peu de recul, je me disais qu’au fond, toute activité humaine devrait être pensée sur le même modèle…
Le ferme de la Chaux
Après une halte très agréable le temps d’un déjeuner et d’une sieste chez un oncle dijonnais, j’arrive enfin, après 4 jours de vélo, à la ferme de la Chaux. Le projet est basé sur la renaissance d’une association, l’association Goshen, dont la raison d’être est l’accueil et la solidarité dans un esprit chrétien. En 2009, Marie, Alexandre et leur fils investissent cette ancienne ferme qui appartient à l’association mais qui a été fermée pour non-conformité. Ils ont tenu leur objectif de rouvrir ce lieu d’accueil en 2011 ! Aujourd’hui le lieu est à même d’accueillir des groupes dans un gîte pour des stages ou des formations sur des thèmes en rapport avec les valeurs du projet, des évènements culturels ou militants et même des groupes scouts grâce au pré de 7ha. Il accueille aussi des personnes en ‘hébergement inconditionnel’ pour 3 jours. C’est ainsi que j’ai pu découvrir le groupe et le lieu.
Lors de mon séjour, il n’y a pas de projet ou d’évènement particulier en dehors d’un groupe scout qui a levé le camp le lendemain de mon arrivé et n’étant pas vraiment wwoofeur, mes journées sont assez calmes. Les tâches que je réalise se résument à aider les habitant.es à vider une grange du matériel qui la rempli, à déplacer un tas de compost et un ballot de paille qui servira de paillage. Les repas communs sont irréguliers et les habitant.es apportent à la table commune ce qu’ils ont cuisiné chez eux. Comme la saison le permet, nous mangeons sur une grande table extérieure surmontée d’un barnum mais il n’y a pas de salle commune où les habitant.es peuvent se retrouver toute l’année.
En ce qui concerne l’aspect chrétien, en plus de s’efforcer de vivre selon ses valeurs au quotidien, un partage biblique a lieu chaque semaine. J’ai donc l’occasion de vivre ce moment avec le groupe. Comme je me sens bien accueilli, j’offre au groupe le récit de mes aventures avec projection des photos associées lors d’une soirée dédiée comme je l’ai fait pour les sœurs de Grandchamp (14#).
Après trois jours parmi ce collectif sympathique, je poursuite ma route jusqu’à l’extrémité Ouest de la Saône-et-Loire.
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